Alors que lundi 25 janvier 2016 se tenait l'audience solennelle au Tribunal des Prud’hommes du Puy-en-Velay, Joseph DELEAGE juge prud’homal depuis 8 ans maintenant, a été élu vice-président de la section activités diverses du tribunal de prud'hommes
Voici ses explications.
Joseph, tu as été élu vice-président. Félicitations pour ta nouvelle fonction ! Mais peux-tu nous préciser ce que cela implique?
JD : Eh bien, je dirai que ce dernier vise en quelque sorte au bon déroulement de la séance, c’est-à-dire à ce que les débats aient lieu dans la plus grande sérénité possible de manière à ce que les deux parties (salarié-e-s / employeurs) entendues le soient dans un cadre équitable et démocratique. Chacun-e doit pouvoir faire valoir ses arguments, à part égale, dans le cadre de la conciliation et du rendu de jugement sur la base des éléments dossier, pour lequel il ou elle a saisi le tribunal. Je précise aussi « pour la forme » que cette année la présidence est assurée par « la partie employeur » et la vice-présidence par « la partie salarié-e » que je représente. Et l’an prochain, ce sera l’inverse.
On entend beaucoup dans la presse que cette justice prud’homale a « du plomb dans l’aile » et que les salarié-e-s ont du souci à se faire ? Tu peux nous expliquer pourquoi et nous donner ton point de vue de syndicaliste sur la question.
JD : En fait, les règles ont changé. Je vais essayer d’expliquer la situation le plus simplement possible. Disons qu’avant, il y avait une sorte d’équilibre, assuré par les élections pour permettre de « recruter » démocratiquement ces juges prud’homaux (ceux pour les salariés, comme ceux pour le patronat) ; mais avec la nouvelle désignation de ceux-ci et la volonté gouvernementale de créer une soi-disant « justice professionnelle » _ ce qu’elle n’était pas jusque là_ on passe un cap dangereux à mon sens. Ce que je veux dire c’est que l’on assiste à un « échevinage rampant » et en s’attaquant en plus au Code du travail (réforme Macron, Rebsamen…) _ c’est-à-dire, si on caricature à peine avec moins de droits pour les salarié-e-s mais plus de devoirs… _ on s’achemine donc vers une justice plus favorable aux patrons qu’aux salarié-e-s, comment pouvoir se défendre et être défendu-e-s décemment, équitablement !? Toujours plus de déréglementations, c’est toujours plus de raisons de créer des litiges, de mettre à mal les conventions collectives auxquelles ils (patrons et gouvernement) cherchent à « tordre le cou »… pour mieux museler les salarié-e-s.
Et j’irai même plus loin, à terme, à quoi servirait ce tribunal si ce n’est d’arbre pour cacher la forêt, de coquille vide pour donner l’illusion de maintenir un cadre de « justice du travail » ! Par exemple, dans le cadre de la « simplification » (« choc » voulu par le gouvernement Hollande-Valls et Cie) que dire de la volonté de fixer de barèmes « indemnitaires plafonds » même en cas de licenciement abusif ? Conclusion, si on ne se bat pas pour préserver les prérogatives légitimes de cet « appareil » de justice républicaine, c’est aussi un pan de démocratie qui s’effondre. Et cela, ce n’est pas possible à envisager ; et pour deux raisons au moins : 1/- parce que le salariat ne pèse pas le même poids que le patronat (malgré le nombre… et parce que les dossiers traités, jugés sont toujours individuels et non collectifs) ; 2/- parce que c’est le seul moyen de maintenir un cadre vivable dans l’entreprise c’est-à-dire, sans avoir l’impression de revivre l’histoire des « Misérables » de Victor Hugo ou « Germinal » d’Emile Zola.
Coïncidence ou pas !? Joseph rencontré et interviewé, lors de la manifestation des 3 Fonctions publiques (d’Etat, hospitalière et territoriale) et de salarié-e-s du secteur privé qui les avaient rejoints… a ajouté que la bonne mobilisation du jour au niveau départemental lui laissait penser et espérer que les travailleur-euse-s et citoyen-ne-s de ce pays ne semblaient pas prêt-e-s à sacrifier tous les conquis sociaux de leurs prédécesseurs mais au contraire, à se battre pour faire valoir leurs droits, tant individuels que COLLECTIFS attaché-e-s qu’ils semblaient être à la République une et indivisible : des panneaux revendicatifs en faisant état lors du défilé (sic) !