« Maintenant si vous voulez encore discuter, vous ne serez plus payées ! », c’est par cette phrase du directeur de l’établissement COPIREL de Mazeyrat d’Allier aux ouvrières de l’atelier gansage qu’allait commencer une grève de 4 jours embrasant toute l’usine et se terminant par un protocole d’accord de fin de grève qui rétablit les salariés dans leurs droits.
Le groupe espagnol COPIREL est spécialisé dans la fabrication de literie. Parmi les 5 établissements de France celui de Mazeyrat d’Allier compte 92 salariés. Il s’agit d’une cession en 2003 des ateliers de literie de Recticel.
Le « show-room » de chez Copirel est bien connu des salariés, c’est dans ce préfabriqué où la récente direction locale a l’habitude de convoquer les salariés pour leur « mettre la pression ». Depuis plusieurs mois, les convocations individuelles se multiplient, la première fois avec un membre de la direction, puis avec deux et enfin avec trois pour pousser à toujours plus de productivité. La formule est bien connue des salariés « convocation à un entretien pour sanction pouvant aller jusqu’au licenciement ». Et d’ailleurs les sanctions se succèdent : avertissements, blâmes et même mise à pied, pour un oui pour un non.
Mais la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est la remise en cause des pauses au gansage, « secteur 317 » selon le jargon maison. C’est dans cet atelier, très majoritairement féminin, que les matelas sont finis. Le galon de tissu qui ferme la mousse est cousu. Le poste est dur, il faut tenir la cadence, solliciter les articulations des bras et des épaules pour coudre, forcer pour retourner le matelas. D’ailleurs, plus d’une déclaration de Trouble Musculo Squelettique a eu lieu au 317 sans que de véritables mesures d’amélioration des conditions de travail n’aient été mises en place, au contraire !
En fin de fabrication, les ganseuses cousent un code barre sur le matelas pour le suivi de la qualité auprès des clients, rien de plus normal. Mais le directeur de production leur a annoncé que la lecture de ces codes barre lui a permis d’établir que les pauses (en fait les temps d’inaction) s’élevaient –selon lui- à 53 minutes par jour. N’acceptant pas ce « flicage » individuel, les ouvrières ont donc continué à poser le code barre sur les matelas – elles tiennent au suivi qualité des produits – mais à un endroit qui n’est pas lisible par le « mouchard ».
C’est ce qui a provoqué leur convocation collective dans le show-room l’après-midi du mardi 13 novembre. Elles ont demandé à Hervé ROBERT, délégué syndical FO de les accompagner mais une fois de plus, malgré sa présence, le directeur se livre à un long monologue, refusant toute discussion, accusant même les ouvrières de sabotage. On se serait cru à une autre époque… Les ganseuses essaient d’argumenter, surtout qu’aucun reproche sur la qualité de leur travail n’est fait , mais en vain, autant parler à un mur… Jusqu’à ce que le directeur lâche excédé « maintenant si vous voulez continuer à discuter, je vous informe que vous ne serez plus payées ! »
Hervé lui répond sur le champ : « puisque c’est comme ca, j’appelle toutes les ouvrières à débrayer et à venir continuer à discuter au portail ». Et la grève était lancée…
Mercredi matin, à 7heures, une équipe de ganseuses est là pour appeler les collègues des autres secteurs à se joindre au mouvement. Les élus du personnel de la CGT sont aussi dans l’action, avec leurs collègues de F0 (le délégué syndical CGT, en congés à quelques kilomètres, pourtant sollicité par ses camarades, ne se déplacera jamais pendant la grève…).
Dans le même temps, la direction réunit les secteurs les uns après les autres pour essayer de faire croire à une action isolée des ganseuses mais les représentants du personnel FO et CGT font aussi leur travail d’information et par petits groupes, les ouvriers rejoignent la grève, de l’expédition, des sommiers, du piquage..
L’après midi une première rencontre a lieu avec la direction, une délégation de 8 dont deux représentants des Unions Départementales FO et CGT. Non seulement le directeur continue son monologue sans écouter la moindre demande, mais en plus il annonce que des lettres de convocation à des entretiens pour sanction sont parties dans la journée pour les « saboteuses » du 317 ! La délégation quitte la salle immédiatement et sur le piquet de grève, le « cahier de revendications » est rédigé appelant toute l’usine à entrer dans le mouvement:
« C’est le moment d’élargir la grève pour nos revendications communes :
- Respect des salariés, respect de leurs droits, arrêts des sanctions !
- Paiement des majorations au delà de 1607 heures annuelles. Modulation établie par secteur et non par individu.
- Recrutement de remplaçants pour les personnels absents !
- Réponse 24 heures après le dépôt des demandes de congé
- Au 317, retour à la feuille de production individuelle, avec les temps réels par matelas. Le code-barres ne doit servir qu’à la qualité !
- Paiement des heures de grève !
- Prendre en compte un cœfficient supérieur aux sommiers. »
Et effectivement, le jeudi 15 novembre au matin, la grève est totale pour toute la production. Même l’équipe de maintenance est là, applaudie lorsqu’elle annonce : « On vient de nous appeler pour installer une nouvelle machine. Nous voulions vous dire que nous nous sommes concertés et que notre décision est prise : nous restons avec vous ! ».
Les grévistes sentent leur force, sûrs de leur bon droit « cette fois ci, il faudra bien qu’il comprenne que personne n’est content et qu’il faut discuter… », cette phrase est dans toute les têtes. Alors c’est une colère noire qui saisit chacun lorsque la première salariée du gansage est informée du contenu de la lettre recommandée qui est arrivée chez elle : « convocation à un entretien pour sanction pouvant aller jusqu’au licenciement ».
A nouveau, une délégation est reçue pour discuter du cahier de revendications. Sur aucun des points – sauf le refus clair et net du paiement des jours de grève - il n’y a de réponse ferme : à en croire le directeur, sur une question c’est la direction de Paris qui doit donner les réponses, sur une autre c’est la faute de la maîtrise qui ne fait pas son travail. Une fois de plus le directeur noie le poisson, monologue ; ce qui provoque à nouveau le départ de la délégation.
Et c’est en fin d’après midi que la nouvelle arrive : le DRH groupe, Mr CARRET, sera à Mazeyrat vendredi matin pour négocier. Après de longues discussions, il accepte que la délégation continue d’être composée des 8 mêmes et non des deux seuls délégués syndicaux comme il l’exigeait au départ.
Et le vendredi matin la grève ne faiblit pas puisque, à partir de 9h30, c’est même la totalité de la maîtrise qui est au piquet de grève, marquant sa solidarité ! Lorsque les responsables nationaux arrivent à l’usine, ils n’y trouveront qu’une dizaine de salariés à leur poste : les intérimaires et la « garde rapprochée ».
A 11h30, la délégation entre pour négocier, elle en sortira à 18h avec un engagement écrit et signé de la direction qui donne largement satisfaction aux grévistes :
- Les sanctions sont annulées
- Les majorations pour heures supplémentaires seront payées selon les règles légales
- Les absences de salariés n’entraîneront pas un report de la charge de travail sur les présents
- Les réponses aux demandes de congé exceptionnel dans moins de quinze jours seront données dans les 48 heures. Lorsque les congés seront posés pour dans un mois ou plus, la direction ne disposera que d’un délai d’une semaine par mois de délai, pour répondre
- Les code barres ne seront plus utilisés pour les contrôles individuels
- Une étude aura lieu sur les coefficients du secteur sommier
- Les jours de grève seront payés à 50 %
Pour tous les salariés, il s’agit d’avancées réelles. La grève n’a pas eu lieu pour rien. Enfin, les doléances ont été entendues. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si l’autocollant FO qui a été le plus collé sur les poitrines tout au long du conflit est celui qui porte le slogan « le respect de vos droits, le droit au respect ».
La présence tout au long du conflit du délégué syndical FO, Hervé ROBERT, ainsi que de militants de l’Union Locale et de l’Union Départementale FO, a été apprécié par les salariés qui, plus nombreux, ont décidé de prendre leur carte syndicale afin de faire respecter « leur » accord.
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