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Notre Camarade Roger GUILHOT vient de nous quitter dans sa soixante quatorzième année.

L'Union Départementale FO présente ses condoléances à son épouse, Monique et à ses enfants, Stéphane, Frédéric et Rémi.

Nous ne pouvons mieux faire pour lui rendre hommage que de publier l'interview qu'il avait accordée à notre journal FO Haute-Loire en 2009.

 Roger GUILHOT : de l'école laïque au syndicalisme interprofessionnel

Notre camarade Roger GUILHOT, instituteur retraité, a bien voulu retracer son parcours personnel et militant qui, de l’école laïque de son village, l’a amené au syndicalisme confédéré de la cgt-FORCE OUVRIERE.

FO HL : Peux tu nous expliquer comment tu es devenu instituteur ?

Roger GUILHOT : Comme nombre de collègues de ma génération. J’ai d’abord usé mes fonds de culotte à l’école laïque de mon village, Mazalibrand puis j’ai poursuivi mes « études » au cours complémentaire du Mazet Saint Voy. J’étais le dernier d’une famille de 10 enfants, ma mère était veuve. On était dans les années 50, j’avais une « pension » à midi,  j’allais à l’école en vélo.

Mes maîtres ont estimé que j’étais un « bon élève », puisque j’avais réussi mon cours complémentaire en 3 ans . Donc après la troisième, j’ai suivi une « troisième spéciale » avec 3 autres élèves. Nous suivions  un programme dopé en maths et français. Le but de cet enseignement était de nous préparer aux concours du secteur public et puis bien sûr à l’Ecole Normale .

J’ai donc réussi mon concours d’entrée à l’Ecole Normale en 62, j’en suis sorti en 67. Nous avions une préparation au BAC  puis  un an de formation professionnelle. Je dois souligner que les études étaient gratuites, nous avions même une « bourse de trousseau ». Ce n’était pas négligeable pour des familles modestes.

FO HL : Et tu es venu au syndicalisme directement ?

RG : Dès l’entrée à l’école normale, nous étions  « pupilles du SNI », le Syndicat National des Instituteurs, le syndicat quasi-unique à l’époque. C’est donc sans trop me poser de question que j’ai pris ma carte d’adhérent en 4ème année, alors que j’étais instituteur stagiaire. Et puis j’ai eu mon premier poste d’instit  à Vielprat. C’était une Classe Unique. Je me souviens qu’il y avait  une pompe à eau dans le garage qui était à sec 6 mois dans l’année. Il fallait aller chercher l’eau au village.

Puis j’ai été nommé sur une autre classe unique, au Vernet : là c’était le « confort », il y avait l’eau mais pas de salle de bains, et les wc étaient dans la cour. Je précise cela parce que la qualité du logement de fonction était déterminante lors du mouvement.

J’ai un très bon souvenir de ces écoles de village : il n’y avait pas de ramassage, pas d’absentéisme scolaire (au Vernet  j’avais eu 4 demi-journées d’absence pour toute l’année).

FO HL : Et tu militais syndicalement ?

RG : Le déclic s’est fait en 68, pendant la grève générale. Je suivais toutes les assemblées générales qui se tenaient au Puy à la grande salle de l’amicale laïque. Je me rappelle, à l’une d’elle, les responsables du syndicat voulaient empêcher des collègues de s’exprimer. Le sujet était important : pour ou contre la poursuite de la grève. J’ai pris la parole timidement pour dire : « il faudrait plus de démocratie ». C’est à cette occasion que j’ai connu deux bons camarades avec qui j’allais militer ensuite: Jacques GALLOIS et Robert FONTAINE.

FO-HL : Alors le « virus syndical» t’a pris ?

RG : Après 68, nous avions constitué une « Commission jeunes » du SNI. On y retrouvait des maoïstes, des trotskistes et des militants sans appartenance. On se réunissait à 30-40 régulièrement pour refaire le monde.

Puis il y a eu les élections  internes au syndicat. Le SNI était découpé en « tendances » et j’ai été la tête de liste de l’une d’entre elles en 1969 : l’EE-FUO. J’ai été  élu au Conseil Syndical du SNI qui avait plus de 1000 adhérents à l’époque.  Mais c’est vrai qu’on « baignait dans l’autonomie ». A l’époque je défendais l’unité de la FEN parce que toutes les tendances y étaient présentes, ce qui ne nous empêchait pas de rechercher l’association des organisations syndicales  à la défense laïque, je parle de la CGT et de la CGT-FO. J’étais allergique à la CFDT, parce que malgré leur verbiage gauchiste, ils restaient imprégnés de leur formation « catho ».

FO-HL : Quel bilan tires tu de ton mandat au Conseil Syndical du SNI ?

RG : C’était difficile de militer syndicalement si l’on était pas de la tendance majoritaire. Je me souviens avoir réuni les remplaçants en dehors des instances syndicales pour lutter pour leur titularisation. Je m’étais fait voler dans les plumes par le secrétaire général du SNI de l’époque.  Ma seule réponse a été : « je recommencerai ». Je ne regrette rien  encore aujourd’hui parce que c’est grâce à ça que le syndicat s’est bougé et que nos collègues ont été titularisés.

J’étais aussi viscéralement antistalinien : j’ai fait adopter nombre de motions pour le soutien des militants dans les ex pays de l’Est mais aussi pour les victimes des régimes fascistes.

Mais une des grandes bagarres a été celle des conseils d’écoles. En Haute-Loire, le SNI a appelé à ne pas les mettre en place.  Au plan national, c’était notre tendance qui animait cette opposition, mais localement, l’Ecole Emancipée y était aussi farouchement opposée. Nous avons pu faire en sorte que ces Conseils d’Ecole ne se mettent pratiquement pas en place en Haute-Loire. Cela a été le seul département de France, avec la Loire Atlantique, où il y ait eu cette opposition.

Et puis un autre de mes points de satisfaction  à été d’être élu en Commission Administrative Paritaire. Il s’agissait de la défense individuelle des collègues. Notre boulot c’était toujours de contrôler ce que faisait l’administration.

Et puis j’ai siégé aussi au Comité Technique Paritaire : je me souviens qu’on défendait les écoles, même à 3 élèves et on souvent on gagnait. On a mené aussi la bagarre pour avoir les effectifs de l’enseignement privé parce que nous savions qu’il n’y avait pas les mêmes normes de fermeture. On ne pouvait pas l’accepter. Oui, je peux dire que je suis fier d’avoir défendu l’école rurale laïque !

FO-HL : Alors, pourquoi avoir rompu avec le SNI ?

RG : C’est l’arrivée en 81 d’un « gouvernement de gauche ». J’étais de ceux qui considéraient que nous avions les mêmes revendications que la veille. Je me rappelle du rassemblement du Bourget en 82 : 300 000 laïques qui exigeaient l’abrogation des lois antilaïques. Mais le SNI n’a pas pris en charge la défense laïque, sans doute pour ne pas gêner « les camarades ministres ». C’était une trahison pour tous ceux qui ont fait mon parcours. Alors j’ai milité dans l’appel aux laïques où l’on retrouvait beaucoup de responsables nationaux de FO dont Marc BLONDEL , Claude JENET  et  Alexandre HEBERT si je me souviens bien.  .

En 86, j’ai adhéré à FO. Je m’y suis tout de suite senti à l’aise.  Ce qui m’a plu c’est le contact avec les gens du secteur privé. C’est toujours plus agréable de rencontrer les parents d’élèves dans les réunions syndicales. Cela a été vraiment une ouverture par rapport au SNI. 

On se rend compte qu’il n’y a pas de revendications « instits », mais qu’elles  sont liées aux autres professions : salaires, sécu, services publics… On n’est pas tous seuls !

FO-HL : Et tu as milité dans l’interprofessionnelle ?

RG : A mon petit niveau, oui. D’abord parce que l’Union Départementale m’a désigné comme administrateur à la CPAM. Je me souviens qu’en 1995, pendant la grève contre le plan Juppé, nous avions fait passer de sales quarts d’heures à la CFDT pendant les Conseils d’Administration.

Et puis j’ai une autre particularité : pendant 25 ans j’ai été Secrétaire de Mairie Instituteur . Nous étions une centaine, surtout dans les petites communes. On nous incitait à accepter ces postes pour défendre l’école. On avait même des cours à l’EN : « cadastre, état civil, budget avec les percepteurs ».  La rémunération c’était 800 F pour l’année (un petit treizième mois).

Cette profession a été revalorisée ensuite. Si les secrétaires de mairie des petites communes sont passés de la catégorie C à la catégorie A, c’est aussi grâce à la bataille des Secrétaires de Mairie Instituteurs. D’ailleurs avec cette promotion, les « SMI » ont quasiment disparu.

Avec cette double casquette, j’ai participé à la première liste FO au Centre de Gestion de la Fonction Publique Territoriale en 1995. J’ai été élu en CAP de catégorie B et au CTP. Avec mon expérience, j’ai participé à former les copains qui siégeaient. Cela a été ma petite contribution au syndicalisme interprofessionnel. En plus, vu mon statut, j’avais plus de liberté de parole en réunion que les copains parce que pas je n’étais pas soumis directement à la pression de l’autorité territoriale. Donc ils me faisaient dire ce qu’ils ne pouvaient pas dire .

FO-HL : Un petit mot de conclusion ?

RG : En 2005, bien que je n’étais plus en activité, j’attendais avec impatience le résultat des élections à la CAPD des « instits ». FO premier ! J’ai été surpris agréablement, je ne m’y attendais pas. Je me dis que les positions que j’ai défendues sont enfin majoritaires. La continuité est assurée.

Même retraité, à 63 ans, ça ne me viendrait pas à l’idée de ne pas me syndiquer.

 

Tag(s) : #nécrologie
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